La première fille


J´ai tout oublié des campagnes

D´Austerlitz et de Waterloo

D´Italie, de Prusse et d´Espagne

De Pontoise et de Landernau


Jamais de la vie

On ne l´oubliera

La première fille

Qu´on a pris dans ses bras

La première étrangère

A qui l´on a dit "tu"

Mon cœur, t´en souviens-tu?

Comme ell´ nous était chère

Qu´ell´ soit fille honnête

Ou fille de rien

Qu´elle soit pucelle

Ou qu´elle soit putain

On se souvient d´elle

On s´en souviendra

D´la premièr´ fill´

Qu´on a pris dans ses bras


Ils sont partis à tire-d´aile

Mes souvenirs de la Suzon

Et ma mémoire est infidèle

A Julie, Rosette ou Lison


Jamais de la vie

On ne l´oubliera

La première fille

Qu´on a pris dans ses bras

C´était une bonne affaire

Mon cœur, t´en souviens-tu?

J´ai changé ma vertu

Contre une primevère

Qu´ce soit en grand´ pompe

Comme les gens "bien"

Ou bien dans la rue

Comm´ les pauvr´s et les chiens

On se souvient d´elle

On s´en souviendra

D´la premièr´ fill´

Qu´on a pris dans ses bras


Toi qui m´a donné le baptême

D´amour et de septième ciel

Moi, je te garde et, moi, je t´aime

Dernier cadeau du Pèr´ Noël


Jamais de la vie

On ne l´oubliera

La première fille

Qu´on a pris dans ses bras

On a beau fair´ le brave

Quand elle s´est mise nue

Mon cœur, t´en souviens-tu?

On n´en menait pas large

Bien d´autres, sans doute

Depuis sont venues

Oui, mais, entre tout´s

Cell´s qu´on a connues

Elle est la dernière

Que l´on oubliera

La premièr´ fill´

Qu´on a pris dans ses bras








La princesse et le croque-notes


Jadis, au lieu du jardin que voici,

C´etait la zone et tout ce qui s´ensuit,

Des masures des taudis insolites,

Des ruines pas romaines pour un sou.

Quant à la faune habitant la dessous

C´etait la fine fleur c´etait l´élite.


La fine fleur, l´élite du pavé.

Des besogneux des gueux des réprouvés,

Des mendiants rivalisant de tares,

Des chevaux de retour des propres à rien,

Ainsi qu´un croque-note, un musicien,

Une épave accrochée à sa guitare.


Adoptée par ce beau monde attendri,

Une petite fée avait fleuri

Au milieu de toute cette bassesse.

Comme on l´avait trouvée pres du ruisseau,

Abandonnée en un somptueux berceau,

A tout hasard on l´appelait "princesse".


Or, un soir, Dieu du ciel, protégez nous!

La voila qui monte sur les genoux

Du croque-note et doucement soupire,

En rougissant quand meme un petit peu:

"C´est toi que j´aime et si tu veux tu peux

M´embrasser sur la bouche et même pire..."


"- Tout beau, princesse arrete un peu ton tir,

J´ai pas tellement l´étoffe du satyr´,

Tu a treize ans,j´en ai trente qui sonnent,

Grosse différence et je ne suis pas chaud

Pour tater d´la paille humide du cachot...

- Mais croque-not´,j´dirais rien à personne..."


- N´insiste pas fit-il d´un ton railleur,

D´abord tu n´es pas mon genre et d´ailleurs

Mon cœur est dejà pris par une grande..."

Alors princesse est partie en courant,

Alors princesse est partie en pleurant,

Chagrine qu´on ait boudé son offrande.


Y a pas eu détournement de mineure,

Le croque-note au matin, de bonne heure,

A l´anglaise a filé dans la charette

Des chiffonniers en grattant sa guitare.

Passant par là quelques vingt ans plus tard,

Il a le sentiment qu´il le regrette.








La religieuse


Tous les cœurs se rallient à sa blanche cornette,

Si le chrétien succombe à son charme insidieux,

Le païen le plus sûr, l´athé´ le plus honnête

Se laisseraient aller parfois à croire en Dieu.

Et les enfants de chœur font tinter leur sonnette...


Il paraît que, dessous sa cornette fatale

Qu´elle arbore à la messe avec tant de rigueur,

Cette petite sœur cache, c´est un scandale!

Une queu´ de cheval et des accroche-cœurs.

Et les enfants de chœur s´agitent dans les stalles...


Il paraît que, dessous son gros habit de bure,

Elle porte coquettement des bas de soi´,

Festons, frivolités, fanfreluches, guipures,

Enfin tout ce qu´il faut pour que le diable y soit.

Et les enfants de chœur ont des pensées impures...


Il paraît que le soir, en voici bien d´une autre!

A l´heure où ses consœurs sont sagement couché´s

Ou débitent pieusement des patenôtres,

Elle se déshabille devant sa psyché.

Et les enfants de chœur ont la fièvre, les pauvres...


Il paraît qu´à loisir elle se mire nue,

De face, de profil, et même, hélas! de dos,

Après avoir, sans gêne, accroché sa tenue

Aux branches de la croix comme au portemanteau.

Chez les enfants de chœur le malin s´insinue...


Il paraît que, levant au ciel un œil complice,

Ell´ dit : "Bravo, Seigneur, c´est du joli travail! "

Puis qu´elle ajoute avec encor plus de malice :

"La cambrure des reins, ça, c´est une trouvaille! "

Et les enfants de chœur souffrent un vrai supplice...


Il paraît qu´à minuit, bonne mère, c´est pire :

On entend se mêler, dans d´étranges accords,

La voix énamouré´ des anges qui soupirent

Et celle de la sœur criant " Encor! Encor! "

Et les enfants de chœur, les malheureux, transpirent...


Et monsieur le curé, que ces bruits turlupinent,

Se dit avec raison que le brave Jésus

Avec sa tête, hélas! déjà chargé´ d´épines,

N´a certes pas besoin d´autre chose dessus.

Et les enfants de chœur, branlant du chef, opinent...


Tout ça, c´est des faux bruits, des ragots, des sornettes,

De basses calomni´s par Satan répandu´s.

Pas plus d´accroche-cœurs sous la blanche cornette

Que de queu´ de cheval, mais un crâne tondu.

Et les enfants de chœur en font, une binette...


Pas de troubles penchants dans ce cœur rigoriste,

Sous cet austère habit pas de rubans suspects.

On ne verra jamais la corne au front du Christ,

Le veinard sur sa croix peut s´endormir en paix,

Et les enfants de chœur se masturber, tout tristes...








La ronde des jurons


Voici la ron-

de des jurons

Qui chantaient clair, qui dansaient rond

Quand les Gaulois

De bon aloi

Du franc-parler suivaient la loi

Jurant par-

Jurant par-ci

Jurant à langue raccourcie

Comme des grains de chapelet

Les joyeux jurons défilaient


Tous les morbleus, tous les ventrebleus

Les sacrebleus et les cornegidouilles

Ainsi, parbleu, que les jarnibleus

Et les palsambleus

Tous les cristis, les ventres saint-gris

Les par ma barbe et les noms d´une pipe

Ainsi, pardi, que les sapristis

Et les sacristis

Sans oublier les jarnicotons

Les scrogneugneus et les bigr´s et les bougr´s

Les saperlottes, les cré nom de nom

Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre

Tous les Bon Dieu

Tous les vertudieux

Tonnerr´ de Brest et saperlipopette

Ainsi, pardieu, que les jarnidieux

Et les pasquedieux


Quelle pitié

Les charretiers

Ont un langage châtié

Les harengères

Et les mégères

Ne parlent plus à la légère

Le vieux catéchisme poissard

N´a guèr´ plus cours chez les hussards

Ils ont vécu, de profundis

Les joyeux jurons de jadis


Tous les morbleus, tous les ventrebleus

Les sacrebleus et les cornegidouilles

Ainsi, parbleu, que les jarnibleus

Et les palsambleus

Tous les cristis, les ventres saint-gris

Les par ma barbe et les noms d´une pipe

Ainsi, pardi, que les sapristis

Et les sacristis

Sans oublier les jarnicotons

Les scrogneugneus et les bigr´s et les bougr´s

Les saperlottes, les cré nom de nom

Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre

Tous les Bon Dieu

Tous les vertudieux

Tonnerr´ de Brest et saperlipopette

Ainsi, pardieu, que les jarnidieux

Et les pasquedieux








La rose, la bouteille et la poignée de main


Cette rose avait glissé de

La gerbe qu´un héros gâteux

Portait au monument aux Morts.


Comme tous les gens levaient leurs

Yeux pour voir hisser les couleurs,

Je la recueillis sans remords.


Et je repris ma route et m´en allai quérir,

Au p´tit bonheur la chance, un corsage à fleurir.

Car c´est une des pir´s perversions qui soient

Que de garder une rose par-devers soi.


La première à qui je l´offris

Tourna la tête avec mépris,

La deuxième s´enfuit et court

Encore en criant "Au secours! "


Si la troisième m´a donné

Un coup d´ombrelle sur le nez,

La quatrième, c´est plus méchant,

Se mit en quête d´un agent.


Car, aujourd´hui, c´est saugrenu,

Sans être louche, on ne peut pas

Fleurir de belles inconnu´s.


On est tombé bien bas, bien bas...


Et ce pauvre petit bouton

De rose a fleuri le veston

D´un vague chien de commissaire,

Quelle misère!

Cette bouteille était tombé´

De la soutane d´un abbé

Sortant de la messe ivre mort.


Une bouteille de vin fin

Millésimé, béni, divin,

Je la recueillis sans remords.


Et je repris ma route en cherchant, plein d´espoir,

Un brave gosier sec pour m´aider à la boire.

Car c´est une des pir´s perversions qui soient

Que de garder du vin béni par-devers soi.


Le premier refusa mon verre

En me lorgnant d´un œil sévère,

Le deuxième m´a dit, railleur,

De m´en aller cuver ailleurs.


Si le troisième, sans retard,

Au nez m´a jeté le nectar,

Le quatrième, c´est plus méchant,

Se mit en quête, d´un agent.


Car, aujourd´hui, c´est saugrenu,

Sans être louche, on ne peut pas

Trinquer avec des inconnus.

On est tombé bien bas, bien bas...


Avec la bouteille de vin fin

Millésimé, béni, divin,

Les flics se sont rincé la dalle,

Un vrai scandale!

Cette pauvre poigné´ de main

Gisait, oubliée, en chemin,

Par deux amis fâchés à mort.


Quelque peu décontenancé´,

Elle était là, dans le fossé.

Je la recueillis sans remords.


Et je repris ma route avec l´intention

De faire circuler la virile effusion,

Car c´est une des pir´s perversions qui soient

Qu´ de garder une poigné´ de main par-devers soi.


Le premier m´a dit: "Fous le camp!

J´aurais peur de salir mes gants."

Le deuxième, d´un air dévot,

Me donna cent sous, d´ailleurs faux.


Si le troisième, ours mal léché,

Dans ma main tendue a craché,

Le quatrième, c´est plus méchant,

Se mit en quête d´un agent.


Car, aujourd´hui, c´est saugrenu,

Sans être louche, on ne peut pas

Serrer la main des inconnus.


On est tombé bien bas, bien bas...

Et la pauvre poigné´ de main,

Victime d´un sort inhumain,

Alla terminer sa carrière

A la fourrière!








La route aux quatre chansons


J´ai pris la route de Dijon

Pour voir un peu la Marjolaine

La belle, digue digue don

Qui pleurait près de la fontaine

Mais elle avait changé de ton

Il lui fallait des ducatons

Dedans son bas de laine

Pour n´avoir plus de peine

Elle m´a dit : " Tu viens, chéri?

Et si tu me payes un bon prix

Aux anges je t´emmène

Digue digue don daine "

La Marjolain´ pleurait surtout

Quand elle n´avait pas de sous

La Marjolain´ de la chanson

Avait de plus nobles façons


J´ai passé le pont d´Avignon

Pour voir un peu les belles dames

Et les beaux messieurs tous en rond

Qui dansaient, dansaient, corps et âmes

Mais ils avaient changé de ton

Ils faisaient fi des rigodons

Menuets et pavanes

Tarentelles, sardanes

Et les bell´s dam´s m´ont dit ceci

" Etranger, sauve-toi d´ici

Ou l´on donne l´alarme

Aux chiens et aux gendarmes "

Quelle mouch´ les a donc piquées

Ces belles dam´s si distinguées

Les belles dam´s de la chanson

Avaient de plus nobles façons


Je me suis fait fair´ prisonnier

Dans les vieilles prisons de Nantes

Pour voir la fille du geôlier

Qui, paraît-il, est avenante

Mais elle avait changé de ton

Quand j´ai demandé: " Que dit-on

Des affaires courantes

Dans la ville de Nantes? "

La mignonne m´a répondu

" On dit que vous serez pendu

Aux matines sonnantes

Et j´en suis bien contente "

Les geôlières n´ont plus de cœur

Aux prisons de Nante´ et d´ailleurs

La geôlière de la chanson

Avait de plus nobles façons


Voulant mener à bonne fin

Ma folle course vagabonde

Vers mes pénates je revins

Pour dormir auprès de ma blonde

Mais elle avait changé de ton

Avec elle, sous l´édredon

Il y avait du monde

Dormant près de ma blonde

J´ai pris le coup d´un air blagueur

Mais, en cachette, dans mon cœur

La peine était profonde

L´chagrin lâchait la bonde

Hélas! du jardin de mon père

La colombe s´est fait la paire

Par bonheur, par consolation

Me sont restées les quatr´ chansons








La tondue


La belle qui couchait avec le roi de Prusse

Avec le roi de Prusse

A qui l´on a tondu le crâne rasibus

Le crâne rasibus


Son penchant prononcé pour les " ich liebe dich ",

Pour les " ich liebe dich "

Lui valut de porter quelques cheveux postich´s

Quelques cheveux postich´s


Les braves sans-culott´s et les bonnets phrygiens

Et les bonnets phrygiens

Ont livre sa crinière à un tondeur de chiens

A un tondeur de chiens


J´aurais dû prendre un peu parti pour sa toison

Parti pour sa toison

J´aurais dû dire un mot pour sauver son chignon

Pour sauver son chignon


Mais je n´ai pas bougé du fond de ma torpeur

Du fond de ma torpeur

Les coupeurs de cheveux en quatre m´ont fait peur

En quatre m´ont fait peur


Quand, pire qu´une brosse, elle eut été tondue

Elle eut été tondue

J´ai dit : " C´est malheureux, ces accroch´-cœur perdus

Ces accroch´-cœur perdus "


Et, ramassant l´un d´eux qui traînait dans l´ornière

Qui traînait dans l´ornière

Je l´ai, comme une fleur, mis à ma boutonnière

Mis à ma boutonnière


En me voyant partir arborant mon toupet

Arborant mon toupet

Tous ces coupeurs de natt´s m´ont pris pour un suspect

M´ont pris pour un suspect


Comme de la patrie je ne mérite guère

Je ne mérite guère

J´ai pas la Croix d´honneur, j´ai pas la croix de guerre

J´ai pas la croix de guerre


Et je n´en souffre pas avec trop de rigueur

Avec trop de rigueur

J´ai ma rosette à moi: c´est un accroche-cœur

C´est un accroche-cœur








La traîtresse


J´en appelle à la mort, je l´attends sans frayeur

Je n´tiens plus à la vie, je cherche un fossoyeur

Qu´aurait un´ tombe à vendre à n´importe quel prix

J´ai surpris ma maîtresse au bras de son mari

Ma maîtresse, la traîtresse!


J´croyais tenir l´amour au bout de mon harpon

Mon p´tit drapeau flottait au cœur d´madam´ Dupont

Mais tout est consommé : hier soir, au coin d´un bois

J´ai surpris ma maîtresse avec son mari, pouah

Ma maîtresse, la traîtresse!


Trouverais-je les noms, trouverais-je les mots

Pour noter d´infamie cet enfant de chameau

Qu´a choisi son époux pour tromper son amant

Qu´a conduit l´adultère à son point culminant

Ma maîtresse, la traîtresse!


Où donc avais-j´les yeux? Quoi donc avais-j´ dedans?

Pour pas m´être aperçu depuis un certain temps

Que, quand ell´ m´embrassait, ell´ semblait moins goulue

Et faisait des enfants qui n´me ressemblaient plus

Ma maîtresse, la traîtresse!


Et pour bien m´enfoncer la corne dans le cœur

Par un raffinement satanique, moqueur

La perfide, à voix haute, a dit à mon endroit

" Le plus cornard des deux n´est point celui qu´on croit "

Ma maîtresse, la traîtresse!


J´ai surpris les Dupont, ce couple de marauds

En train d´recommencer leur hymen à zéro

J´ai surpris ma maîtresse équivoque, ambiguë

En train d´intervertir l´ordre de ses cocus

Ma maîtresse, la traîtresse!








La visite


On n´était pas des Barbe-Bleue,

Ni des pelés, ni des galeux,

Porteurs de parasites.

On n´était pas des spadassins,

On venait du pays voisin,

On venait en visite.


On n´avait aucune intention

De razzia, de déprédation,

Aucun but illicite.

On venait pas piller chez eux,

On venait pas gober leurs œufs,

On venait en visite.


On poussait pas des cris d´Indiens,

On avançait avec maintien

Et d´un pas qui hésite.

On braquait pas des revolvers,

On arrivait les bras ouverts,

On venait en visite.


Mais ils sont rentrés dans leurs trous,

Mais ils ont poussé les verrous

Dans un accord tacite.

Ils ont fermé les contrevents,

Caché les femmes, les enfants,

Refusé la visite.


On venait pas les sermonner,

Tenter de les endoctriner,

Pas leur prendre leur site.

On venait leur dire en passant,

Un petit bonjour innocent,

On venait en visite.


On venait pour se présenter,

On venait pour les fréquenter,

Pour qu´ils nous plébiscitent,

Dans l´espérance d´être admis

Et naturalisés amis,

On venait en visite.


Par malchance, ils n´ont pas voulu

De notre amitié superflue

Que rien ne nécessite.

Et l´on a refermé nos mains,

Et l´on a rebroussé chemin,

Suspendu la visite

...


Suspendu la visite.








L'amandier


J´avais l´plus bel amandier

Du quartier

Et, pour la bouche gourmande

Des filles du monde entier

J´faisais pousser des amandes

Le beau, le joli métier!


Un écureuil en jupon

Dans un bond

Vint me dir´: " Je suis gourmande

Et mes lèvres sentent bon

Et, si tu m´donn´s une amande

J´te donne un baiser fripon!"


" Grimpe aussi haut que tu veux

Que tu peux

Et tu croqu´s, et tu picores

Puis tu grignot´s, et puis tu

Redescends plus vite encore

Me donner le baiser dû! "


Quand la belle eut tout rongé

Tout mangé

" Je te paierai, me dit-elle

A pleine bouche quand les

Nigauds seront pourvus d´ailes

Et que tu sauras voler! "


" Mont´ m´embrasser si tu veux

Si tu peux

Mais dis-toi que, si tu tombes

J´n´aurais pas la larme à l´œil

Dis-toi que, si tu succombes

Je n´porterai pas le deuil! "


Les avait, bien entendu

Toutes mordues

Tout´s grignotées, mes amandes

Ma récolte était perdue

Mais sa jolie bouch´ gourmande

En baisers m´a tout rendu!


Et la fête dura tant

Qu´le beau temps

Mais vint l´automne, et la foudre

Et la pluie, et les autans

Ont change mon arbre en poudre

Et mon amour en mêm´ temps!








L'ancêtre


Notre voisin l´ancêtre était un fier galant

Qui n´emmerdait personne avec sa barbe blanche,

Et quand le bruit courut qu´ ses jours étaient comptés,

On s´en fut à l´hospice afin de l´assister.


On avait apporté les guitar´s avec nous

Car, devant la musique, il tombait à genoux,

Excepté toutefois les marches militaires

Qu´il écoutait en se tapant le cul par terre. {2x}


Émules de Django, disciples de Crolla,

Toute la fine fleur des cordes était là

Pour offrir à l´ancêtre, en signe d´affection,

En guis´ de viatique, une ultime audition. {2x}


Hélas! les carabins ne les ont pas reçus,

Les guitar´s sont resté´s à la porte cochère,

Et le dernier concert de l´ancêtre déçu

Ce fut un pot-pourri de cantiques, peuchère!


Quand nous serons ancêtres,

Du côté de Bicêtre,

Pas de musique d´orgue, oh! non,

Pas de chants liturgiques

Pour qui aval´ sa chique,

Mais des guitar´s, cré nom de nom! {2x}


On avait apporté quelques litres aussi,

Car le bonhomme avait la fièvre de Bercy

Et les soirs de nouba, parol´ de tavernier,

A rouler sous la table il était le dernier. {2x}


Saumur, Entre-deux-mers, Beaujolais, Marsala,

Toute la fine fleur de la vigne était là

Pour offrir à l´ancêtre, en signe d´affection,

En guis´ de viatique, une ultime libation. {2x}


Hélas! les carabins ne les ont pas reçus,

Les litres sont restés à la porte cochère,

Et l´ coup de l´étrier de l´ancêtre déçu

Ce fut un grand verre d´eau bénite, peuchère!


Quand nous serons ancêtres,

Du côté de Bicêtre,

Ne nous faites pas boire, oh! non,

De ces eaux minéral´s, bénites ou lustrales,

Mais du bon vin, cré nom de nom! {2x}


On avait emmené les belles du quartier,

Car l´ancêtre courait la gueuse volontiers.

De sa main toujours leste et digne cependant

Il troussait les jupons par n´importe quel temps. {2x}


Depuis Manon Lescaut jusques à Dalila

Toute la fine fleur du beau sexe était là

Pour offrir à l´ancêtre, en signe d´affection,

En guis´ de viatique, une ultime érection. {2x}


Hélas! les carabins ne les ont pas reçu´s,

Les belles sont restées à la porte cochère,

Et le dernier froufrou de l´ancêtre déçu

Ce fut celui d´une robe de sœur, peuchère!


Quand nous serons ancêtres,

Du côté de Bicêtre,

Pas d´enfants de Marie, oh! non,

Remplacez-nous les nonnes

Par des belles mignonnes

Et qui fument, cré nom de nom! {2x}